Quand un Italien pensait le monde : géosophie, géoprophétie et géopolitique chez Tommaso Campanella

Penser la nouvelle géographie de la Renaissance passe par la mise en évidence d’une nécessaire mesure du monde et d’un accroissement inédit de l’oekumênê – accroissement qui s’effectue dans l’unité. Campanella en est l’une des illustrations mais avec une forte spécificité qui l’éloigne d’une vision...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Jean-Louis Fournel
Format: Article
Language:fra
Published: École Normale Supérieure de Lyon Editions 2008-11-01
Series:Laboratoire Italien
Online Access:http://journals.openedition.org/laboratoireitalien/72
Description
Summary:Penser la nouvelle géographie de la Renaissance passe par la mise en évidence d’une nécessaire mesure du monde et d’un accroissement inédit de l’oekumênê – accroissement qui s’effectue dans l’unité. Campanella en est l’une des illustrations mais avec une forte spécificité qui l’éloigne d’une vision purement géographique C’est, en effet, la question clé de l’évangélisation qui reste au cœur de sa conception du monde. L’évangélisation devient ici la forme catholique – pacifique ou non – que prend à la fois la guerre de conquête post-machiavélienne et la « découverte » de « nouveaux » mondes. Trois points de focalisation sont ici privilégiés : une géosophie, comme sagesse des territoires ne prétendant pas les décrire mais les inscrire dans un système holiste et fortement centripète ; une forme de géoprophétie où une pensée historique de l’utopie ramène l’utopie vers le monde connu et vécu ; une géopolitique liée à la pluralité des empires. La première permanence, la plus forte des déterminations et des conditions de possibilité de l’agir humain, ne relève pas ainsi chez Campanella de la géographie des territoires mais tout à la fois de l’inéluctabilité du dessein divin et de la radicale préservation de la liberté de l’individu. La World History campanellienne dans sa radicalité unitaire même en vient ainsi à constituer paradoxalement un rappel utile de l’impossible unité politique du monde et de la permanence des conflits et des forces centrifuges : l’apprentissage de l’histoire comme géographie est un apprentissage de l’histoire comme conflit, un éloge de l’enchaînement des événements et non une illustration de la longue durée et de la stabilité des territoires. Il s’agira ici d’illustrer l’idée selon laquelle il peut être utile de nuancer une vision restreinte de la géopolitique trop souvent limitée à sa matrice allemande du xixe siècle et pensée sur la base de la théorie de l’espace vital, du rapport à la question coloniale, de la revanche nationale, de l’unité linguistique. Il existe de fait une autre relation entre géographie et politique qui se forge quelques siècles plus tôt entre l’Italie et l’Espagne et se fonde sur le renouveau de la vieille question impériale dans une perspective religieuse, largement providentialiste voire – dans le cas de Campanella – messianique.
ISSN:1627-9204
2117-4970