L'importance relative accordée aux croyances et aux traits de personnalité dans la prédiction du comportement d'autrui chez l'enfant de 6 ans et de 9 ans et chez l'adulte

Lorsqu'un individu tente d'expliquer ou de prédire le comportement d'autrui, son jugement risque d'être fortement influencé par les informations dont il dispose sur les états mentaux (désirs, croyances, intentions) de cette personne. C'est ce qu'étudie principalement le...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Turcotte, Christine
Format: Others
Published: 2008
Subjects:
Online Access:http://www.archipel.uqam.ca/1426/1/D1688.pdf
Description
Summary:Lorsqu'un individu tente d'expliquer ou de prédire le comportement d'autrui, son jugement risque d'être fortement influencé par les informations dont il dispose sur les états mentaux (désirs, croyances, intentions) de cette personne. C'est ce qu'étudie principalement le domaine de recherche des théories de la pensée. Par ailleurs, un individu peut également expliquer ou anticiper le comportement d'une personne selon les informations qu'il détient sur ses traits de personnalité. Néanmoins, peu de tentatives ont porté sur l'intégration des résultats de ces deux traditions de recherche. L'objectif de cette étude est donc de mettre en relation ces deux domaines de recherche, en examinant l'importance relative accordée aux états mentaux et aux traits chez les enfants et les adultes lorsque ces deux sources d'informations sont contradictoires et qu'elles mènent à des prédictions différentes de comportement. Selon Piaget (1970), ce n'est pas avant que l'enfant ait acquis le concept de conservation qu'il peut comprendre que les attributs d'une personne ou d'un objet peuvent demeurer stables malgré une modification de l'apparence physique. Avant l'âge de 7-8 ans, les enfants auraient donc tendance à privilégier les attributs externes dans la description et l'explication du comportement (Miller et Aloise, 1989). Les études antérieures montrent que lorsque plusieurs sources d'informations sont disponibles, les jeunes enfants ont tendance à accorder davantage d'importance à l'information portant sur l'apparence physique (Hoffner et Cantor, 1985) et sur la situation (Newman, 1991) qu'aux traits. Les enfants plus vieux et les adultes accordent à l'inverse davantage d'importance aux traits. L'hypothèse est donc que l'importance accordée aux traits et aux croyances varie selon l'âge. Puisque les croyances immédiates découlent des éléments du contexte, il est attendu que les jeunes enfants accordent plus d'importance aux croyances. À l'opposé, les enfants plus âgés devraient avoir un biais envers les traits. Finalement, les adultes devraient accorder de l'importance tant aux croyances qu'aux traits dans la prédiction du comportement et ainsi avoir un jugement plus nuancé. Des histoires sont présentées à des enfants de 6 ans, de 9 ans et à des adultes. Dans chaque histoire, le trait d'un personnage est présenté, de même que sa croyance ponctuelle à l'égard de la situation qu'il vit. Les histoires sont conçues de sorte que le trait du personnage est en contradiction avec sa croyance immédiate. Il se retrouve donc devant un dilemme comportemental où il doit faire un choix soit en lien avec son trait de personnalité, soit en lien avec sa croyance. Les participants doivent ainsi prédire le comportement du personnage Les résultats montrent que les groupes d'âge se différencient de façon significative quant au type de prédiction. Les adultes semblent effectivement avoir un jugement plus nuancé que les enfants lors de la prédiction du comportement. Ils accordent une plus grande importance aux croyances, sans toutefois négliger les traits. Par contre, à l'inverse des hypothèses, les enfants de 6 ans effectuent une majorité de prédictions selon les traits et les enfants de 9 ans effectuent presque autant de prédictions selon les traits que selon les croyances. Les résultats présentent donc plutôt une tendance développementale croissante à privilégier les croyances lorsqu'elles sont contradictoires aux traits. Avec l'âge, les participants apportent de plus en plus de nuances à leurs réponses et se montrent capables de tenir compte à la fois du trait et de la croyance. Selon Rholes, Newman et Ruble (1990) et Yuill et Pearson (1998), les jeunes enfants utiliseraient une stratégie de régularité comportementale lors de la prédiction du comportement. Ils comprennent que les comportements sont associés à des étiquettes et que ceux d'une même étiquette ont tendance à se répéter. Bien que cette stratégie leur permette dans plusieurs situations d'arriver à effectuer des prédictions appropriées selon les traits, ils ne seraient pas en mesure de comprendre que les traits constituent des mécanismes internes et causaux du comportement et que ceux-ci sont étroitement reliés aux désirs et aux croyances. La compréhension de la relation entre les traits et les états mentaux (désirs, croyances) n'est donc pas nécessaire à l'utilisation d'une telle stratégie. Les enfants de 6 ans de la présente étude pourraient donc l'avoir appliquée comme si elle correspondait à une règle absolue, c'est-à-dire qu'un individu se comportera de la même façon que par le passé. Les jeunes enfants ne sont probablement pas en mesure de saisir qu'un état mental ponctuel et contradictoire (croyance) peut modifier la règle de la régularité comportementale et engendrer un comportement inverse à celui qui aurait été émis si les comportements étaient toujours en lien avec les traits. Ils ne comprendraient pas encore très bien qu'à la règle existent des exceptions. Par contre, avec l'âge, sa pensée perdrait de sa rigidité. D'ailleurs, ce n'est qu'avec le temps que l'enfant peut admettre l'existence simultanée d'émotions (Harris, 1983) ou de traits de valence différente (Hand, 1982). Il est donc probable qu'il lui faille aussi du temps pour admettre l'existence d'états internes (trait et croyance) contradictoires susceptibles de générer des comportements de valence différente. La présente étude ajoute un élément important aux connaissances sur les théories de la pensée. Bien que bon nombre d'études aient porté sur l'acquisition d'une théorie de la pensée chez les enfants d'âge préscolaire, le développement de la compréhension des états mentaux et des traits semble se poursuivre au-delà de cet âge. Les résultats suggèrent en effet qu'un changement conceptuel important puisse s'opérer entre 6 ans et 9 ans. Les enfants en viendraient à comprendre la relation entre les traits et les états mentaux et ainsi, qu'une croyance est susceptible d'altérer la manifestation d'un trait. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Théorie de la pensée, Théorie de l'esprit, Croyances, Compréhension des états mentaux, Traits, Traits de personnalité, Compréhension des traits, Prédiction du comportement.