Étude narratologique portant sur le narrataire dans Z. Marcas de Balzac

Nous savons depuis fort longtemps que la communication d?un message requiert un destinateur et un destinataire. Nous le savons plus explicitement depuis que Jakobson a dégagé les six facteurs constitutifs de tout acte de communication verbale. Depuis les écrits de chercheurs comme Benveniste, nous r...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Ayotte, Éloi Robert
Format: Others
Language:fr
Published: 1985
Subjects:
Online Access:http://constellation.uqac.ca/1758/1/1411781.pdf
Description
Summary:Nous savons depuis fort longtemps que la communication d?un message requiert un destinateur et un destinataire. Nous le savons plus explicitement depuis que Jakobson a dégagé les six facteurs constitutifs de tout acte de communication verbale. Depuis les écrits de chercheurs comme Benveniste, nous reconnaissons aussi que la situation et l'instance énonciative ainsi que celles de la réception se trouvent encodées dans le texte énonciatif, a fortiori, dans le texte narratif littéraire. Malgré ces faits la plupart des chercheurs ont, surtout avant 198O, constamment et presque exclusivement envisagé l'étude critique des textes romanesques par le biais de l?émission, non par celui de la réception ? ? en témoignent les nombreuses études centrées sur le narrateur, ses fonctions, sa contribution au récit et la problématique du point de vue ou de la focalisation. Toutefois, depuis quelques années ? surtout depuis 1973 ? ? l'intérêt des chercheurs se déplace du côté de la réception, qu'il s'agisse de la réception interne, encodée ou non (le narrataire, le lecteur implicite); ou que ce soit la réception extratextuelle (le lecteur réel). En effet, un équilibre est en train de se faire entre les études auctoriales et lectoriales, soulignant ainsi l'importance des deux pôles de la communication narrative. Presque parallèlement, un nombre croissant de chercheurs s'intéresse de plus près à 1'interaction entre le texte et le lecteur: le processus de lecture ou de ré-écriture. Il va sans dire que ces nombreuses recherches se font en employant une multitude d'approches tributaires de diverses théories littéraires et linguistiques. Le premier chapitre de notre mémoire a permis de faire le point quant aux écrits portant sur les instances réceptrices du texte narratif. Il souligne que ces instances peuvent renvoyer à plusieurs notions qui découlent des approches employées. Ce chapitre a donc fourni l'occasion de différencier les nombreux concepts afférents à la réception littéraire, tels le lecteur réel, le lecteur implicite et le narrataire, ce dernier étant le destinataire intratextuel auquel s'adresse un narrateur de même niveau narratif. La présence du narrataire est encodée dans le texte par un réseau de signes linguistiques. Outre ces notions, nous en avons clarifiées d'autres, aussi indispensables à notre recherche, comme l'auteur réel? l'auteur implicite, le narrateur, le texte, le récit. Le deuxième chapitre est consacré à 1'étude du narrataire à partir des écrits de Gerald Prince et de Mary Ann Piwowarczk. Le premier a élaboré les concepts fondamentaux à toute étude sérieuse du narrataire: le narrataire degré zéro, les signes du narrataire, l'écart de la norme théorique ou la déviation. La seconde, travaillant à partir de Prince, a affiné la définition du degré zéro du narrataire en clarifiant certains de ses attributs, en ajoutant à ses caractéristiques. Aussi, en plus d'affiner certains signes de l'inventaire de Prince, elle en a formulés de nouveaux. Enfin, elle a rendu le système de Prince opératoire en organisant les signes du narrataire d'après quatre aspects constitutifs de la situation énonciative: l'identité, la situation spatio-temporelle, le statut et le rôle, soulignant ainsi que le narrataire est essentiellement un élément de 1'énonciation. Cette organisation des signes du narrataire, la notion du degré zéro et le concept d'écart permettent de caractériser le narrataire spécifique dans tous les textes narratifs. La contribution de ces deux chercheurs a permis de compléter la définition du narrataire ébauchée au second chapitre. Le narrataire est cette instance réceptive intratextuelle à laquelle s'adresse un narrateur de même niveau narratif. La présence du narrataire, qui est essentiellement un élément de 1'énonciation, est inscrite dans le texte par un réseau de signes linguistiques sujets à une analyse de type sémiologique. C'est à partir des écarts du narrataire degré zéro instaurés par ces signes que peut être décrit un narrataire spécifique, c'est-à-dire un individu qui, dans certains textes narratifs, peut être bien caractérisé. Le type de narrataire textuel particulier à chaque texte dépend de la ventilation et de l'organisation des écarts en regard des quatre aspects de la situation énonciative. Ainsi la contribution de ces deux chercheurs a abouti à un modèle théorique pouvant servir d'instrument d'analyse du narrataire. Dans le chapitre troisième, nous avons éprouvé ce modèle théorique, cet instrument d'analyse à partir d'un texte de Balzac: Z, Marcas, Nous avons d'abord repéré tous les signes du narrataire contenus dans ce textes cet inventaire est annexé à notre mémoire. Ensuite, en analysant tous les signes qui peuvent constituer des écarts du degré zéro, nous avons fait la description du narrataire dans Z. Marcas, Ceci a permis de constater que les écarts les plus importants et les plus radicaux décrivent le rôle du narrataire, car selon les conditions du narrataire théorique, celui?ci est censé être une passive instance réceptrice interne du récit. Or, le narrataire dans Z» Marcas est représenté par un groupe d'auditeurs très actifs qui participent au récit, qui dialoguent avec le narrateur, qui sont changés par le récit. Cependant, leur rôle le plus spectaculaire consiste a s'arroger à trois reprises la fonction intrinsèque du narrateur. En effet, le groupe-narrataire, par une permutation des rôles, réussit non seulement à engager un dialogue avec le narrateur, mais aussi à prendre la parole en 1* absence du narrateur et de ce fait à assumer le discours narratif. Sans ce type de narrataire actif, le texte Z. Marcas ne pourrait exister, prouvant ainsi qu'un texte, à l'instar d'une communication verbale, se fait à deux. Une recherche plus et plus exhaustive du narrataire balzacien (incluant les fonctions du narrataire), faite à partir de plusieurs textes, serait intéressante non seulement parce qu'elle pourrait dévoiler une facette peut-être ignorée de l'oeuvre de cet écrivain, mais aussi, et surtout, parce qu'elle pourrait mettre au jour le fonctionnement de ses textes et des textes narratifs en général. Nous aurions non seulement une lecture renouvelée de La Comédie humaine, mais aussi un autre éclairage quant à la technique romanesque de Balzac.