Summary: | Dans une étude linguistique qui met l’accent sur l’articulation entre le discours et la réalité politique, nous avons mis en évidence les transformations en matière de politique économique et sociale en République fédérale d’Allemagne (R.F.A.) entre 1949 et 2009. Par le biais d’une analyse des prédications dans un corpus constitué des discours de politique générale (Große Regierungserklärung) présentés devant le Bundestag, nous avons repéré les différentes contextualisations des concepts Staat, Wirtschaft, Wachstum, Wettbewerb et Markt. Chaque contextualisation, par le biais de laquelle le locuteur sélectionne une portion de la réalité, met en perspective une position référentielle dans le cadre cognitif (frame) activé par le lexème employé. Le cadre cognitif qui nous a servi à la fois d’outil d’analyse et de format de représentation constitue un réseau de concepts ; ses positions référentielles sont instantiées par les prédications. Nous avons pu discerner deux périodes riches en changements contextuels :1) La période entre 1969 et 1976 qui est marquée par des contextualisations de Staat, Wachstum et Wettbewerb dans un discours sur le renforcement de la protection sociale basée sur l’intervention de l’État, et par la mise en avant du renforcement de la concurrence entre les entreprises ainsi que par les avantages de la croissance. 2) La période allant de 1982 à 2002, déterminée par des contextualisations de Staat, Wirtschaft, Wachstum et Wettbewerb. Elle se distingue par la mise en exergue de la minoration de l’État-providence et de sa transformation, la modernisation économique, l’accélération de la croissance et l’extension du principe de la concurrence à d’autres domaines. Ces contextualisations signalent un « retour aux sources » de la soziale Marktwirtschaft et de ses directives néo-libérales.Les changements linguistiques intervenus et leur périodisation concordent grosso modo avec les changements politiques signalés par les historiens. Néanmoins, nous avons pu montrer que les recontextualisations peuvent servir à des seules fins stratégiques.Par ailleurs, nous avons mis en lumière l’ambiguité référentielle des lexèmes Staat, Wirtschaft, Wachstum, Wettbewerb et Markt qui entraînent une difficulté d’identification du référent envisagé par le locuteur lors de l’emploi de ces lexèmes. Ce phénomène, lié aux procédés métaphoriques et métonymiques en œuvre lors de la conceptualisation et de la dénomination des entités nous a conduit à émettre l’hypothèse d’une granularité différenciée des frames, c’est-à-dire un nombre de positions référentielles variables, dépendante du savoir encyclopédique de l’allocutaire. === In a linguistic study which emphasises the articulation between discourse and political reality, we have highlighted the transformations regarding the economic and social policy in the Federal Republic of Germany (FRG) from 1949 to 2009. Through the analysis of predications originating from policy statements (Große Regierungserklärung) delivered to the Bundestag, we have singled out the different contextualisations of the concepts Staat, Wirtschaft, Wachstum, Wettbewerb and Markt. Each contextualisation by means of which the speaker selects a portion of reality, puts into perspective a slot in the cognitive frame which is thus activated by the lexeme in use. The cognitive frame which has served us both as an analytic tool and a format of representation constitutes a concept map; its slots are instantiated by predications. We have differentiated two main periods which offer contextual changes: 1) The period extending from 1969 to 1976 is characterised by the contextualisations Staat, Wachstum and Wettbewerb in speeches on the strenghtening of social protection based on State intervention, and the emphasis on the reinforcement of competition between firms and the advantages of economic growth.2) The period extending from 1982 to 2002 is determined by the contextualisations of Staat, Wirtschaft, Wachstum and Wettbewerb. It is characterised by the underlining of the reduction and transformation of the welfare state, economic modernisation, acceleration of growth and extension of the principle of competition to other areas. These contextualisations point out to “a return to the basics“ of the soziale Marktwirtschaft and its neo-liberal guidelines.These linguistic changes and their periodisation roughly concur with the political changes reported by historians. Nevertheless, we were able to demonstrate that recontextualisations can just serve strategic purposes.Furthermore, we have highlighted the referential ambiguity of the lexemes Staat, Wirtschaft, Wachstum, Wettbewerb and Markt, which leads to a difficulty in identifying the referent envisioned by the speaker when he uses these lexemes. This phenomenon, which is linked to the metaphorical and metonymical processes implemented in the conceptualisation and denomination of entities, has led us to put forward the hypothesis of a differentiated granularity of frames, i.e a number of variable slots which depend on the encyclopaedic knowledge of the addressee.
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