Summary: | Ma recherche consiste en une analyse sémantique et morphologique des formes verbales dites « surcomposées » en français (j’ai eu fait, j’avais eu fait, j’aurai eu fait, etc.). La forme la plus fréquemment employée et la mieux représentée est la forme appelée « passé surcomposé », du type j’ai eu fait. Mais à des degrés divers, toutes les formes du paradigme sont attestées.Le passé surcomposé connaît deux emplois distincts. Le premier, appelé « standard », est attesté dans toute la francophonie. Cette forme peut être décrite comme un passé résultatif, car, par son aspect « accompli », elle pointe la phase qui, dans le passé, fait suite au procès. Utilisée en relation avec le passé composé à valeur aoristique, qui pointe le procès en cours de déroulement, elle crée des effets d’antériorité (quand il a eu mangé, il est parti).Le second emploi, dit « régional », n’est attesté que dans les domaines à substrat occitan et francoprovençal. Ce second passé surcomposé peut être décrit comme un parfait d’expérience, car il possède toujours une valeur « expérientielle », qui indique qu’il est arrivé au moins une fois à une situation donnée de se produire à l’intérieur d’un certain intervalle temporel. Pour les locuteurs qui emploient ces formes, un énoncé comme j’ai eu mangé du requin signifie ainsi il m’est arrivé au moins une fois de manger du requin. Les formes « standard » et les formes « régionales » ne sont pas seulement distinctes sémantiquement. Elles sont également différentes sur le plan morphologique : tandis que les premières sont construites par composition de l’auxiliaire (avoir eu + fait), les secondes se construisent par l’insertion du morphème eu, marqueur expérientiel, dans le syntagme verbal composé : avoir (+eu) fait. Cette différence n’est certes pas « visible » pour les formes qui se construisent avec l’auxiliaire « avoir ». Mais elle se révèle avec les verbes qui demandent l’auxiliaire « être » : les formes résultatives se construisent en effet sur le modèle de avoir été + parti (quand il a été parti, je suis allée me coucher), tandis que les formes expérientielles se construisent sur le modèle de être (+eu) parti (on est eu partis en vacances en Italie). La correspondance entre sens et forme étant absolue, la thèse défendue dans mon travail est qu’il ne s’agit pas seulement de types d’emploi distincts, mais bien de formes verbales différentes === My research consists in a semantic and morphological analysis of the so-called “surcomposé” verbal forms in French (j’ai eu fait, j’avais eu fait, j’aurai eu fait, etc.). The most frequently used and best-represented form is called “passé surcomposé”, such as j’ai eu fait. However, all the forms of the paradigm are attested to some degree.The passé surcomposé displays two distinct uses. The first one, known as the “standard use”, is attested throughout the French-speaking world. This type can be described as a resultative past. Indeed, through its “perfect” aspect, it points to the phase, in the past, following the process. Used in association with the passé composé with an aoristic value, which points to the on-going process, it creates anteriority effects (quand il a eu mangé, il est parti).The second use, referred to as “regional”, is only attested in the areas with an Occitan and a Franco-Provencal substrate. This second passé surcomposé can be described as an experiential perfect because it always has an “experiential” value that indicates that a given situation has occurred at least once within a certain temporal interval. Speakers who use these forms understand an utterance like j’ai eu mangé du requin as I have eaten shark at least once.The “standard” and “regional” forms do not only differ in terms of semantics. They are also different at the morphological level: whereas the former are constructed by auxiliary composition (avoir eu + fait), the latter are constructed by the insertion of the morpheme eu, which is an experiential marker, in the composed verbal phrase: avoir (+eu) fait. Of course this difference is not “visible” for forms constructed with the auxiliary “avoir”. It is however revealed with verbs requiring the auxiliary “être”: resultative forms are constructed on the model avoir été + parti (quand il a été parti, je suis allée me coucher), while experiential forms are constructed on the model être (+eu) parti (on est eu partis en vacances en Italie).As the form-meaning correspondence is absolute, the present work proposes a view according to which these forms correspond to different verbal forms and not only distinct uses
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