Summary: | Cette étude, qui s'intéresse aux appropriations de l'Antiquité grecque au XXe siècle, se propose d'analyser les impacts de la lecture de Platon sur le développement de la pensée politique et éthique de Hannah Arendt. Notre approche du sujet est historique et philosophique. Premièrement, nous considérerons la toile de fond biographique, intellectuelle et historique de cette lecture. La relation intellectuelle entre Hannah Arendt et Martin Heidegger reçoit une attention particulière, puisque le Platon arendtien présente parfois des similarités avec celui de Heidegger. Nous considérerons également la réception de Platon en Allemagne entre la période de Weimar et l'après-guerre : les lectures idéologiques de l'époque nazie, et le débat autour du statut de Platon en tant qu'ancêtre du totalitarisme, clamé par Karl Popper, ont assombri la réputation philosophique de Platon jusqu'à la fin du XXe siècle. Nous trouvons des échos de ce climat intellectuel particulier dans le traitement de Platon chez Arendt. Dans un deuxième temps, nous examinerons les thèmes et les motifs de la lecture arendtienne en observant minutieusement une sélection d'ouvrages, d'essais, d'ébauches d'Arendt, en plus des notes du Journal de pensée (Denktagebuch) et des extraits de dialogues de Platon sur lesquels s'appuient sa lecture. Arendt déconstruit, transforme, altère et utilise ces textes afin de démontrer que notre tradition de pensée politique s'est édifiée sur un mépris de la politique qui trouve sa source dans la pensée platonicienne. Ce mépris culmine dans la pensée de Marx et le totalitarisme. Mais les réflexions d'Arendt sur la pensée, le jugement et la conscience, et son traitement du cas Eichmann suggère qu'elle s'approprie par moments la pensée de Platon. Des comparaisons avec d'autres penseurs émigrés allemands, qui s'inspirent aussi de Platon et des Grecs pour édifier leur pensée politique, Leo Strauss et Eric Voegelin, vont nous permettre d'affiner notre compréhension du Platon d'Arendt. === This study, which concerns the appropriations of Greek Antiquity in the 20th century, proposes to analyze the impacts of the reading of Plato on the development of Hannah Arendt's political and ethical thought. Our approach of this subject is historical and philosophical. First, we will consider the biographical, intellectual and historical background of this reading. The intellectual relationship between Hannah Arendt and Martin Heidegger receive a special attention, since Arendt's Plato is sometimes similar to the heiddeggerian one. We also consider Platonic reception in Germany between the Weimar period and the postwar era : the ideological readings of the Nazi era, and the debate surrounding Plato's status as the forebearer of totalitarianism, as claimed by Karl Popper, darkened Plato's philosophical reputation until the end of 20th century. We find some echoes of this particular intellectual climax in Arendt's treatment of Plato. Second, we will examine the themes and motives of arendtian reading by scrutinizing a selection of Arendt's books, essays, drafts, and notes from the Denktagebuch, and excerpts from the Platonic dialogues that informs her reading. Arendt deconstructs, transforms, distorts and uses these texts in order to show that our tradition of political thought was founded on a contempt for politics that finds its source in Platonic thought. This contempt culminates in Marx's thought and totalitarianism. But Arendt's reflections on thinking, judgment and conscience, and her treatment of Eichmann's case suggests that she sometimes appropriates Plato. Some comparisons with other German Émigrés thinkers who also reads Plato and the Greeks to inform their political thought, Leo Strauss and Eric Voegelin, will enhance our understanding of Arendt's Plato.
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