Psychothérapie et émancipation sociale : une exploration éthique et sociologique

Cette thèse théorique porte sur la psychothérapie et en particulier sur deux formes - la psychanalyse et la thérapie brève de l'école de Palo Alto - qu'elle entend examiner dans le cadre de débats portant principalement sur les efforts métathéoriques pour penser la modernité, la postmodern...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Girard, Lucie
Other Authors: Rocher, Guy
Language:fr
Published: 2015
Subjects:
Online Access:http://hdl.handle.net/1866/12381
Description
Summary:Cette thèse théorique porte sur la psychothérapie et en particulier sur deux formes - la psychanalyse et la thérapie brève de l'école de Palo Alto - qu'elle entend examiner dans le cadre de débats portant principalement sur les efforts métathéoriques pour penser la modernité, la postmodernité et les phénomènes qui les accompagnent: rationalisation, individualisation, scepticisme ou relativisme cognitif et moral. Il est proposé que la psychothérapie puisse être considérée, au-delà de ce qui a été dit sur le caractère essentiellement narcissique de cette pratique, comme une contribution à l’émancipation sociale en favorisant le développement moral des personnes. Il s’agit ici de montrer que l’on peut faire une autre lecture de cette réalité, et ce à l’aide de ressources fournies par la tradition sociologique. Ce développement moral des personnes serait favorisé par un fonctionnement autoréflexif et des compétences communicationnelles, ces dernières traduisant, dans la pensée d’Habermas, la conscience morale. Mais pour qu’il y ait fonctionnement autoréflexif, il faut pouvoir accepter une capacité à connaître, à se connaître, ce que n’admettent pas d’emblée les thérapies influencées par le postmodernisme. Or l’examen des discours tenus par les praticiens eux-mêmes sur leurs pratiques révèle une influence du postmodernisme, que ce soit sous la forme du constructivisme, du constructionnisme social ou plus généralement d’un certain scepticisme et d’un refus concomitant de l'expertise et de l'autorité, une situation paradoxale pour une pratique professionnelle. Les deux formes de thérapies retenues censées représenter les deux pôles de l'intervention thérapeutique - le pôle technique, stratégique et le pôle expressiviste, communicationnel – sont examinées à la lumière de propositions mises de l’avant par Habermas, notamment sur les rationalités stratégique et communicationnelle ainsi que la situation idéale de parole. La psychothérapie apparait ici comme une contribution inestimable à une rationalisation du monde vécu. Forte d’un approfondissement des notions de modernité et de postmodernisme, l’exploration se poursuit avec une critique détaillée d’ouvrages de Foucault portant sur les pratiques disciplinaires, la grande objection à concevoir les psychothérapies comme émancipatrices. La thèse tend à démontrer que ces analyses ne reflètent plus une situation contemporaine. Enfin, la thèse examine le débat entre Habermas et Foucault sous l'angle des rapports critique-pouvoir : si le savoir est toujours le produit de rapports de pouvoir et s’il a toujours des effets de pouvoir, comment peut-il prétendre être critique ? Il en ressort que l'œuvre d’Habermas, en plus de posséder beaucoup plus d'attributs susceptibles d'appuyer la problématique, offre une théorisation plus équilibrée, plus nuancée des gains liés à la modernité, tandis que Foucault, outre qu'il n'offre aucun espoir de progrès ou gains en rationalité, nous lègue une conception du pouvoir à la fois plus réaliste (il est imbriqué dans toute communication et toute interaction), mais plus fataliste, sans possibilité de rédemption par le savoir. La thèse se conclut par un retour sur la notion d’individualisme avec L. Dumont, Lipovetsky, Taylor, ainsi que Bellah et al. pour discuter des phénomènes sociaux liés, pour certains critiques, à l’existence des psychothérapies, notamment l’instrumentalité des relations. === This theoretical thesis is about psychotherapy and particularly about two forms - psychoanalysis and brief therapy as conceived by the Palo Alto group – which are examined within debates bearing on metatheoretical efforts to think modernity, postmodernity and related phenomena: rationalization, individuation, scepticism or cognitive and moral relativism. As an alternative to popular ideas suggesting that psychotherapy is essentially a narcissistic practice, the proposed thesis is that psychotherapy could also be considered an emancipatory practice on a social level by contributing to the moral development of individuals. This is demonstrated using resources supplied by the sociological tradition, especially the notion of rationalization. This moral development of individuals would be emphasized by self-reflexive functioning and communicative competences, this last term representing moral consciousness in Habermas’ thinking. But in order that there be self-reflexive functioning, one has to accept the idea that one has a capacity to know and to know himself or herself, an idea which is not clearly accepted by self-proclaimed «postmodern» therapies at the turn of the millennium. An examination of discourses held by practitioners reveals an influence by postmodernism, whether in the form of constructivism, social constructionism or more generally scepticism with a related refusal of expertise and authority, a paradoxical situation for a professional practice. The two forms of therapy examined are presumed to represent the opposite poles of typical rationalities regarding therapeutic change: the strategic-technical vs the expressive-communicational. The therapies are naturally compared and evaluated against proposals put forward by Habermas regarding, among others, the two distinct rationalities that he sees at work in late modern societies and the ideal speech situation. Psychotherapy appears in this context as a most valuable contribution to Lifeworld rationalization. Having defined and evaluated the notions of modernity and postmodernism to grasp the intellectual background to key postures in postmodern therapies, the theoretical exploration continues with a critical and detailed examination of works by Foucault bearing on disciplinary practices, the great objection to seeing psychotherapy as emancipatory. The examination tends to show that his analysis does not reflect the contemporary situation regarding psychotherapy. The thesis examines also the Habermas-Foucault debate on critique and power: if knowledge is always the product of power relations and if it always has power effects, how can it practice critique? The work of Habermas offers not only more support to the general thesis but also a more differentiating and more well-balanced theorization of modernity, while Foucault, besides that he offers no hope of progress or gains in rationality, bequeaths us a more realistic conception of power – it is a part of all communication and interaction – but also more fatalist, without possibility of redemption by knowledge. The thesis ends with a review of the notion of individualism with L. Dumont, Lipovetsky, Taylor and Bellah et al. to discuss social phenomena associated by certain critics to psychotherapy, notably instrumental relations.